Conseils concernant la chaleur : Hydratation
« Boire beaucoup d’eau sans attendre d’avoir soif, ou selon les quantités indiquées par le médecin. » (Gouvernement du Québec, Canicule, 2007)
S’hydrater
Afin de prévenir l’apparition d’une maladie liée à la chaleur, la précaution la plus importante que doivent prendre les personnes qui ont extrêmement chaud (en raison des conditions environnementales ou d’exercices vigoureux), outre s’éloigner de la chaleur, consiste à maintenir le contenu en eau de l’organisme.1 La meilleure façon d’y parvenir est de boire autant d’eau qu’on en perd.2
Actuellement, bon nombre de messages publics qui recommandent la quantité d’eau à boire et la fréquence de cette consommation durant un épisode de chaleur extrême créent de la confusion ou induisent en erreur.3
Hydratation
Lorsque le corps est extrêmement chaud, le principal mécanisme de thermorégulation (méthode utilisée par l’organisme pour maintenir sa température centrale dans des limites acceptables) est la transpiration. De fait, la capacité de l’organisme à se refroidir repose à environ 90 % sur l’évaporation de la sueur du corps.4 Ce mécanisme a un effet de refroidissement considérable.
Le corps perd de l’eau quand il transpire. La quantité d’eau perdue varie non seulement selon le degré de chaleur ressentie par le corps, mais également en fonction du degré d’acclimatation (voir notre article sur l’acclimatation). Durant l’acclimatation, les modifications physiologiques qui surviennent comprennent une transpiration moins abondante (réduction du volume de liquide et de son contenu en sel).5, 6 Le niveau d’activité, le type de vêtements portés et la possibilité de se rafraîchir périodiquement jouent aussi un rôle important.
Déshydratation
La déshydratation nuit à la capacité de l’organisme de maintenir sa température centrale. Beaucoup d’organes dépendent de l’eau pour maintenir le gradient d’ions des membranes cellulaires afin d’assurer une activité électrique adéquate et le fonctionnement normal des cellules. Toute variation des concentrations d’ions et d’électrolytes peut interrompre les contractions du muscle cardiaque, provoquer des spasmes musculaires7 ou causer des troubles gastro-intestinaux et nuire au fonctionnement normal des muscles et des cellules nerveuses.8
Il est important de signaler que la sensation de soif (particulièrement chez les personnes âgées) n’est pas un indice utile de la nécessité de consommer de l’eau et de s’hydrater. Avec une perte hydrique correspondant à une réduction de 1 % du poids corporel, on note déjà des conséquences, notamment un effort accru du cœur qui doit pomper du sang plus visqueux. Ceci pourrait être un facteur important de déclenchement d’une maladie directement liée à la chaleur, comme l’épuisement par la chaleur, ou d’une cause de décès indirectement lié à la chaleur, comme la crise cardiaque.
Eau et soif
On devrait encourager les gens à boire de l’eau avant d’avoir soif durant des épisodes de chaleur extrême ou lors d’exercices vigoureux, car une fois que l’on ressent la soif, on souffre déjà d’une faible déshydratation (tableau 1).
Tableau 1 : Progression de la déshydratation par pourcentage de perte hydrique
1% | Faible déshydratation caractérisée par une réduction du volume sanguin et une capacité cardiovasculaire compromise. |
2% | Déshydratation bien établie9 caractérisée par une soif marquée6. |
4% | Bouche et gorge sèches6. |
5% | Diminution de la capacité de travailler10. |
6-8% | Arrêt de la production de salive, difficultés d’élocution et augmentation importante du rythme cardiaque6. |
10% | Paralysie des facultés mentales6. |
12% | Incapacité à avaler et rétablissement nécessitant une assistance médicale6. |
Ce n’est que lorsque le corps a subi une perte hydrique d’environ 2 % que la sensation de soif se manifeste. Il est donc important, lors de journées chaudes, d’essayer de boire à une fréquence correspondant au degré de transpiration; bien entendu, cette fréquence sera beaucoup plus grande chez la personne qui fait des activités à l’extérieur en plein soleil que chez la personne sédentaire qui se trouve dans un lieu frais. L’American Conference of Industrial Hygienists (ACGIH) recommande aux travailleurs en forme physique de boire une tasse d’eau fraîche aux 20 minutes comme mesure de contrôle du stress thermique11, recommandation qui ne s’appliquerait pas aux personnes sédentaires.
Une des rares études sur les besoins en consommation d’eau dans des conditions de températures élevées a été menée par Greenleaf et Sargent en 1964.12 Les auteurs ont examiné des hommes en excellente forme physique qui étaient acclimatés à une température de 49 °C. Ils ont constaté que même si la chaleur était le plus important prédicteur de la consommation d’eau, les taux de consommation volontaire étaient insuffisants pour maintenir l’hydratation. Les sujets ayant librement accès à l’eau n’en buvaient pas assez pour compenser la perte hydrique et, souvent, ne ressentaient pas la soif, même s’ils avaient perdu en moyenne 6 % de leur masse corporelle en raison de la déshydratation. Les sujets ont déclaré se sentir moins épuisés lorsque la perte hydrique était mesurée et qu’ils consommaient une quantité d’eau équivalente à la perte.
Quelle quantité d’eau une personne devrait-elle boire pour compenser la perte due à la transpiration?
On pourrait répondre à cette question en déterminant le poids d’une personne donnée sur un pèse-personne précis; par exemple, si une personne de 70 kg perd 1 % de son poids corporel, elle devrait boire 0,7 kg d’eau. Cette pratique peut se révéler onéreuse ou non réalisable et fait ressortir la nécessité d’une mesure simple pour évaluer les besoins en matière d’hydratation. Le taux de perte hydrique varie énormément d’une personne à l’autre. On peut le déterminer mathématiquement pour une personne à partir de son taux métabolique, de la température et de l’humidité ambiantes, des vêtements portés, du degré d’acclimatation, etc. Cette évaluation est possible au niveau individuel, mais elle n’est pas pratique du point de vue de la santé publique. Un guide général ou un calcul simple dont les personnes pourraient se servir pour évaluer leurs propres besoins lorsqu’il fait chaud serait utile (p. ex., un guide sur l’hydratation équivalant au Guide alimentaire canadien).
Surhydratation
Boire trop d’eau peut nuire aux personnes qui ont des troubles médicaux (p. ex., les patients qui souffrent d’insuffisance rénale ou cardiaque) et qui doivent limiter leur consommation d’eau, de même qu’à la population générale. En effet, une surconsommation d’eau chez les personnes en bonne forme physique (ce qui peut se produire dans certains événements sportifs ou chez des personnes ayant des troubles psychiatriques) cause une diminution des concentrations d’électrolytes dans le plasma 13 entraînant l’hyponatrémie.14,15 L’hyponatrémie correspond à des concentrations faibles de sodium dans le plasma16 qui, en rompant l’équilibre osmotique de la barrière hémato-encéphalique, provoquent un influx rapide d’eau au cerveau17, ce qui peut entraîner des complications, voire la mort.18 La documentation fait état de décès après une consommation rapide de grandes quantités d’eau (environ 15 l).19
Aliments
Outre la consommation directe d’eau, l’alimentation peut aussi contribuer à l’hydratation. La teneur en eau des aliments varie de presque nulle (p. ex., de 1 à 2 % environ pour les noix rôties et les céréales) à près de 100 % (p. ex., le concombre, la laitue et le melon d’eau renferment plus de 90 % d’eau).20 La base de données sur la nutrition du ministère de l'Agriculture des États-Unis (USDA Nutrient Database for Standard Reference) fournit des renseignements sur le contenu nutritionnel de la plupart des aliments.20
Sommaire
Les personnes exposées à la chaleur doivent veiller à maintenir le contenu en eau de leur organisme. Outre rester à l’écart de la chaleur, boire de l’eau, particulièrement avant de ressentir la soif, est la chose la plus importante à faire pour réduire le risque de maladie liée à la chaleur. Cependant, il est difficile de faire des recommandations précises et il faudrait des outils supplémentaires permettant de fournir des conseils de santé publique pratiques et fondés sur des données probantes.
Lacunes et questions
- Quels conseils devrait-on donner aux membres du public, à part se peser régulièrement, pour qu’ils conservent le contenu en eau de leur organisme de façon à ce que toute perte hydrique soit inférieure à 1 ou 2 %?
- Nous avons les connaissances, mais non les outils. Ne serait-il pas possible de créer des tableaux indiquant le rythme de travail (avec descriptions générales du travail), les vêtements, la température ambiante, l’humidité, etc., et d’inclure les besoins en consommation d’eau correspondants par unité de temps pour chaque variable?
- Quelles sont les répercussions d’un taux d’humidité élevé sur les besoins en eau lors de journées chaudes? L’air humide ralentit le refroidissement par évaporation (l’eau est évacuée de l’organisme en gouttelettes plutôt que par évaporation), mais cela a-t-il un effet sur la perte hydrique?
- Quels sont les avantages (et les inconvénients) des autres boissons? (Consulter nos articles à venir sur ce sujet.)
Références
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Mai 2010